Date :  Lundi 16, Avril 2001  18:34
Objet :  Machine à remonter le temps


Salut la Meute,

Par où commencer ? Il y a eu tellement de sensations et d'émotions pendant ce week-end ! Je n'ai pas encore bien assimilé le fait que je suis redevenu motard, mais je vais essayer de vous faire un C.R. cohérent malgré tout.
Samedi matin. Direction l'avenue de la Grande Armée où sont concentrés pas mal de magasins d'accessoires moto.
Mission : trouver ma veste.

Après en avoir comparé et essayé une bonne dizaine, de toutes marques et de tous prix, j'ai finalement jeté mon dévolu sur une Bering qui m'a semblée être la synthèse exacte de tout ce que je cherchais : 3/4, cordura, doublure amovible, velcros et sangles de
serrages aux endroits judicieux, finition impécable et protections là où il se doit, le tout pour un prix inférieur au plafond que je m'étais fixé. Avec tous ces essayages, le temps avait pas mal tourné et il fallait que je repasse par la maison pour déposer ma vieille veste en cuir qui ne serait plus utile, avant de me rendre au café à Boulogne, où Malika et moi nous êtions donné rendez-vous afin qu'elle essaye son casque, pendant une pause entre deux de ses patients.

En arrivant au café elle me dit : "Je l'ai vue, elle est devant Casque D'Or, un mécanicien est entrain de la faire chauffer !" Gloups ... ça devient concret ! On boit un café, je lui montre ma jolie veste toute neuve qui fait déjà de moi presque un motard et nous sortons du café pour aller prendre possession de la belle. Elle est là, devant le magasin, toute brillante sous le soleil qui a eu la bonté d'arrêter sa grève pour ce jour tant attendu. Je lui dit bonjour, c'est la moindre des choses, je carresse le réservoir et la selle, sans bien réaliser que d'ici une heure, nous serons entrain de rouler ensemble. Je regarde la marque des chaussetttes, bon, ben ça sera donc des Pontdepierre. Nous rentrons dans le magasin et Malika essaye son casque, un Airoh PR 2000 noir. Je la sens un peu amère, bien que réellement gaie ; elle devra repartir travailler pendant que je commencerai le rodage et elle devra attendre 1000 Kms avant d'en profiter elle aussi.

J'essaye mon casque à mon tour, un Airoh SE 500 gris. Je signe tous les papiers et je remplis le chèque.
Rarement remplir et signer un chèque m'aura été aussi agréable ! Puis Benjamin me donne les clés et me conduit à la moto, NOTRE moto maintenant !
Il m'explique un tas de choses que je sais déjà : là c'est le guidon, là c'est la selle, les commandes c'est comme-çi comme-ça.
Je l'écoute d'une oreille lointaine pendant que, de l'autre, je profite du ronronnement du moteur qui chauffe, feutré, juste grave ce qu'il faut. Je suis déjà barré, loin, il y a 28 ans, quand j'avais acheté ma première moto, une Honda 125 S toute neuve avec laquelle j'avais roulé tant de bornes du nord au sud de la France avant qu'un salaud ne me la vole devant mon lycée.
Benjamin a fini, il nous serre la main et nous laisse, ma Douce, que le devoir appelle et moi, que la route attend.

J'embrasse ma Douce avant de mettre mon casque, mes lunettes, mes gants, des gestes faits des milliers de fois et qui reviennet automatiquement, malgré dix ans de parenthèse. Un dernier au revoir à Malika, embrayage, première, roule ! Je suis crispé et raide comme un piquet pendant au mois 500 mètres et, sans même m'en rendre compte, je commence à rouler comme si je n'avais jamais arrêté de rouler ...
J'ai laissé Titine me conduire et, comme par hasard, elle m'a embarqué sur la A13, direction Saint Germain en Laye, là où j'ai usé mes premiers reposes-pieds. A Saint Germain, un petit crochet par chez mes parents, histoire de leur faire la surprise.
A mon arrivée devant la maison, ma petite nièce qui joue dans le jardin regarde d'un oil soupçonneux ce motard qui lui fait coucou.
Comme un niais je lui souris, oubliant qu'avec l'intégral et les lunettes de soleil, elle ne risque pas de me reconnaitre, et c'est juste avant qu'elle ne hurle "MAMIE" que je lui dis :
"Ma Puce, c'est Tonton ! ". La tête de ma nièce, le sourire ! Mes parents qui arrivent, ma mère qui reconnait que c'est une belle moto, malgré la peur que lui inspire ce véhicule depuis que son fils a contracté ce virus, mon père qui me pose plein de questions techniques, ma nièce qui me demande si elle va vite : " Non non ma Puce, c'est pas fait pour, c'est une moto à ballade, pas un lance-pierres". Bises, à demain pour le déjeuner de pâques et roule à nouveau.

La fin de l'apès-midi, je l'ai passée à sillonner tous ces coins que je connais tellement bien que j'avais à nouveau 20 ans : la forêt de Saint Nom la Bretêche, avec ses beaux virages, un arrêt place du Château à Sant Germain, pour boire un café à la terrasse du Soubise, au soleil, ma belle garée devant la terrasse, comme au bon vieux temps ! Retour par le Vésinet où j'ai passé mon enfance, le long des petites rivières qui longeaient l'école Pallu, où je vivais. Je chialais presque sous ma visère ... Retour à Paris, rendez-vous manqué dans le 14è où mon frère devait me donner le bip de son box, pas grave, Titine dormira pour une nuit dans le parking gardé de la rue de Passy, en bas de la maison. Je la gare à sa place, coupe le moteur, bloque le Neiman et place le U. Elle cliquette et sent bon le moteur neuf. Bonne nuit, à demain.

Le casque sous le bras, je rentre à la maison retouver ma Douce, avec un sourire serein.
J'aurais pu rouler n'importe où, loin, choisir un itinéraire avec un but précis. Mais les premiers kilomètres que, sans réfléchir, j'ai fais pour mon retour à la vie de motard, ce fut dans les coins de mon enfance.

J'ai acheté une machine à remonter le temps, maintenant, je peux vieillir, j'ai l'antidote !

@ppel de ph@r... !

Cyberkeupon (dit Peter Pan)