1 782 000 tours de roue et des poussières ...


... à travers la France : le Jura, la Savoie, les Alpes de Haute Provence, les Cevennes, le Tarn, la Lozère, le Gévaudan, le Cantal, le Berry et retour à Paris, inexorablement. 
Des images plein la tête, des souvenirs si forts que, rien que d'y penser, les parfums et les bruits, les lumières, les couleurs, les gouts, tout me revient.

Le périph qui s'éloigne avec ses échangeurs, les premiers champs, les prés, qui petit à petit, remplacent avec bonheur, les zones industrielles.
La campagne monotone de la vallée de l'Ain. 
Les reliefs qui s'élèvent, la montagne qui approche. Les routes du Jura, aux forêts sombres et fraiches. Des cascades dans lesquelles les rayons du soleil dessinent des arcs en ciel, odeurs de pierres mouillées et de feuilles pourrissantes. Des matins pleins de brume que la lumière du jour dissipe lentement. Des sentiers pleins de raies de lumière dorée. 

Le lac de Nantua, bleu vert, qui apparait au détour d'un virage, comme une pierre précieuse. Annecy et la foule, que l'on fuit au plus vite par la route d'un col, que l'on prend au hasard pour retrouver le calme des hauteurs savoyardes. Un camping de poupée, au sommet d'une colline, avec des vaches, autour, aux clarines sonnantes, qui broutent de la bonne herbe et chient de bonnes bouses dont l'odeur mélangée à celle des foins coupés, remplit avec délice nos nez de citadins. Les courses à l'épicerie, tabac, dépôt de pain. Les gens, gentils et simples
qui prennent le temps de vivre. Les vieux à la terrasse qui boivent le Genepi. Le voisin du
camping, ancien motard lui même, qui regarde Titine avec des yeux gourmands. On discute un moment des joies de la moto et il y a tant à dire qu'on parle à demi mots. Le verre de rosé, pris en guise d'apéro, au bruit de la moto qui cliquette, tranquille. 
Le pique nique aux goûts du jambon de montagne, du fromage et du pain qui semblent tellement bons. Le coucher de soleil, comme un feu d'artifice ou les fusées explosent dans un grand ralenti. Les étoiles qui s'allument, la Voie Lactée si nette, peinte à l'aérographe sur le noir de la nuit. 
Les satellites qui passent envoyant sur le monde leurs millons de signaux pour que les gens se parlent. les grillons qui grillonnent, les cloches qui résonnent. 
Le duvet si douillet, chaud comme un gros calin. Le matin, lumière douce, la tente pleine de rosée. La douche chaude qui fait bon sur les muscles engourdis. Le café, réchauffé au bruit du Butagaz, au petit goût d'alu qui sent bon le camping. Le col de Leschaux, le Crêt de Chatillon, la chaine du Mont Blanc qui brille à l'horizon. La descente du col, sans même toucher aux freins, juste enrouler les courbes La moto me prolonge et je fais partie d'elle. Au hasard des virages, on passe du soleil à l'ombre, puis au soleil, alternant les parfums, tantôt chauds, tantôt lourds. Le moteur murmurant, sur un tapis volant, on rejoint la vallée. Vite, vite un autre col ! 
Avant, pause panaché. La cigarette, si bonne au milieu de l'air pur ... Le Col de la Forclaz, celui des Aravis. Le retour au camping, dodo demain, départ. 

On charge la moto, chaque chose a sa place. Albertville, Grenoble, la route Napoléon, ses
virages, ses lacets, des motos par dizaines, je comprends bien pourquoi ! Une pensée pour
les hommes, qui, avant les buldozers, on tracé cette route au flanc de la montagne, au péril de leurs vies sans savoir qu'aujourd'hui, on n'a que le plaisir d'y rouler sans soucis.

L'autoroute, monotone, pour rejoindre Toulon, Bormes les Mimosas. 
Une journée de farniente, la plage et ses viandes rouges ...
Le lendemain, errance sur les petites routes, au milieu des figuiers et des chênes rabougris qui font l'arrière pays. On guette, vainement, le chant d'une cigale, la Provence n'est elle plus vraiment ce qu'elle était ? Des villages perchés, des maisons aux murs beiges, aux persiennes mi closes pour filtrer le soleil.
Une journée à Port Cros, chaleur et pierres brûlantes et, enfin, TSS TSS TSS TSS TSS TSS TSS TSS TSS, tout autour, ok, j'avais rien dit ! 

Le Verdon et ses gorges, si profondes que pour moi, à cause du vertige, je n'ai vu que la route ... Malika me confirme, c'est profond, mais sublime ! Je verrai les photos qu'elle a prise pour moi ... 
Retour par Draguignan, un vol de Canadair signale un incendie. La forêt est en flamme et la fumée épaisse nous rattrape sur la route. Des camions de pompiers qui convergent par dizaines.
Les vendanges qui commencent dans les vignes alentours.
Le Pastis du soir, au bord du boulodrome, à regarder les vieux et les jeunes mélangés disputer des parties pleines de bonne humeur. 

Le retour vers Paris, direction le sud ouest. 
Pierrefeu, Aix, Nimes, Ales. Le Mistral,très violent, qui bouscule en rafales. La nuque et les épaules qui encaissent les coups. La fatigue qui commence à se faire sentir. La route d'Ales à Mende et ses virages piègeux, des travaux, des graviers, des camions que l'on croise et toujours ce vent, qui nous pousse comme une feuille. Le Tarn, ses gorges humides, la forêt ou jadis, la Bête du Gévaudan a semé la terreur. Une douce nuit à Mende, vieux village médiéval. Puis la route du Cantal, les volcans, le Berry, Vierzon, Fontainebleau et tout au bout, Paris. 

Déjà, le paysage redevient pollué, panneaux publicitaires, zones de hangards sinistres, parfums d'échappements et d'ozone piquants. 
Les tours de la Défense qui apparaissent en haut de la colline de Sèvres, et le rêve est fini ...

1 782 000 tours de roues et des poussières ...
et, pour chacun d'entre eux, autant de souvenirs qui vont, tout au long de l'année, nous aider à tenir dans cette ville inhumaine. 

@ppel de ph@re !

Peter P@n (à propos, voilà pourquoi, moi, j'ai acheté une Transalp)